Quand l’énergie est bloquée et retournée contre soi
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Elle représente une sorte de transition entre la colère volcanique et celles qui ne disent pas leur nom. Plus insidieuses, ces dernières passent souvent inaperçues car autrui est épargné. En effet, le soi devient l’objet de la colère. Socialement, jusqu’à un certain point, elles ne dérangent personne et ne sont pas comme la colère, extériorisée, frappées d’interdit.
Que se passe-t-il pour en arriver là ? La colère a pour vocation d’être une source libératrice. Lorsqu’elle ne peut s’exprimer, elle se fige et devient source de blocages, de tensions qui doivent s’exprimer d’une manière ou d’une autre. Le plus souvent par des troubles psychologiques et psychosomatiques. Lorsqu’elle est si figée, si intériorisée qu’elle ne peut trouver d’exutoire, sans issue dans le monde extérieur, aux yeux de celui qui en souffre, la seule solution est de la retourner contre soi. Cette action diminue la tension accumulée et offre un soulagement tout aussi virtuel que celui procuré par la colère extériorisée.
Cette énergie bloquée et retournée contre soi est identifiée et qualifiée par la Gestalt de « rétroflexion« . Ce néologisme métaphorique exprime le mouvement et l’action (fussent-ils sur soi), vers une issue possible, ce qui permettra alors de sortir de l’impuissance et du blocage, ce que nous avons appelé dans un ouvrage précédent : « une mauvaise réponse à une bonne question (1).»? Autrement dit, « comment faire pour dépasser ce niveau de frustration et de tension ? »
La mauvaise réponse quant à elle, est alors identifiée comme suit : se prendre comme cible de cette agressivité. Ici la colère se mue en un outil d’autodestruction. « Si cela s’avérait possible, ce n’est pas à moi que je le ferais mais à l’autre. » Ce choix — mais ici le choix n’est qu’apparent — de la maltraitance du corps pour signifier, se donner l’illusion du soulagement des tensions, va recouvrir de multiples symptômes tels la boulimie, l’anorexie, les dépendances, les conduites à risque en général et sexuelles en particulier, les tentatives de suicide, l’automutilation, etc. Notons cependant que celles dont on parle avec le plus de facilité, du moins en apparence, sont celles relatives à la maltraitance par la nourriture.
La « bouffe » : une vengeance à portée de dents
À la lumière de nos explications précédentes il apparaît que le but de la colère est de signifier des limites. Aussi, lorsqu’elle n’a pas pu s’exprimer, devient-il essentiel de libérer les tensions toujours présentes. Quoi de plus accessible et de plus banal que la nourriture pour satisfaire ce désir légitime ! Car nous avons connu par le passé les vertus apaisantes du sein, du biberon ou de la tétine. Et pour la majorité d’entre nous, s’alimenter reste un moment essentiel de la vie. Par conséquent, son aspect vital nous débarrasse — du moins en apparence — de toute culpabilité. De surcroît, s’alimenter peut aussi générer une source d’encouragements et de félicitations. D’ailleurs, le corps médical se met également de la partie, en accordant de l’importance à la nourriture de l’enfant en vérifiant avec régularité la courbe de son développement staturo- pondéral.