L’hyperactivité : trouble de comportement ou atout ?

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L’hyperactivité, souvent décrite comme un trouble qui handicape de nombreux enfants et stress leurs familles, pourrait ne pas être si dramatique que cela. Question de point de vue ? Ces enfants sont-ils inadaptés ou est-ce le système qui les accueille qui est trop formaté et conditionnant ? Le débat n’est pas récent, mais vient d’être de portée de nouveau sur la place publique avec un article dans le New York Times d’un éminent spécialiste, le Pr Richard Friedman, psychiatre et directeur de la clinique psychopharmacologique au Weill Cornell Medical College, USA. Sa thèse : l’hyperactivité pourrait même être un atout dans un monde hyperconnecté, ultra-rapide, qui privilégie le multitache mental et le traitement massivement parallèle.


Il précise : Je pense qu’un autre facteur social qui peut contribuer, au moins en partie, à «l’épidémie» de TDAH, est passée inaperçu. Il s’agit du contraste de plus en plus marqué entre l’environnement scolaire discipliné et exigeant et le monde numérique très stimulant où les jeunes passent leur temps hors de l’école. Cette vie numérique, avec ses jeux en ligne et ses médias sociaux attractifs, répresente un monde de gratification immédiate où pratiquement n’importe quel désir ou envie originale peuvent être réalisés en un clin d’œil. Par comparaison, l’école semble encore plus insipide à un enfant moderne avide de stimulation que dans les décennies précédentes. Cet environnement scolaire comparativement plus ennuyeux pourrait accentuer le comportement inattentif des élèves, ce qui conduit à une augmentation du nombre de diagnostics sous la pression des enseignants et de l’entourage.

Le papier du New York Times indique :
« Le TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) est actuellement la “maladie” psychiatrique la plus fréquemment diagnostiquée chez les jeunes nord-américains. Onze pour cent d’entre eux reçoivent au moins une fois ce diagnostic entre 4 et 17 ans. Le nombre de cas diagnostiqués et le traitements a tellement augmenté dans la dernière décennie que l’on peut se demander si quelque chose qui affecte tant de gens constitue réellement une maladie ; et c’est à juste titre ! Les recherches récentes en neurosciences montrent que les TDAH sont cérébralement programmés pour rechercher la nouveauté : une caractéristique qui représentait encore récemment (quelques milliers d’années) un avantage évolutif. Comparés à ceux des autres, les circuits de récompense du cerveau des TDAH sont sous-alimentés par une vie quotidienne routinière et peu stimulante.

Pour compenser, les TDAH sont attirés par les expériences nouvelles et excitantes. Ils sont connus pour leur impatience et agitation en réaction aux contraintes et procédures qui caractérisent notre monde moderne. En bref, les gens atteints de TDAH n’ont pas tant une maladie qu’un ensemble de traits de comportement qui ne correspondent pas aux attentes de notre culture contemporaine.
Du point de vue des enseignants, des parents et du monde en général, les problèmes des enfants TDAH se traduisent par un manque de concentration et d’attention et par un comportement impulsif. Mais si vous avez cette «maladie», le vrai problème est que votre cerveau ne perçoit autour de lui qu’un monde fondamentalement dénué d’intérêt.

Une de mes patientes, une jeune femme de 20 ans, est typique. « J’ai été sous Adderall (Amphetamine) pendant des années pour m’aider à me concentrer, » m’a-t-elle dit lors de notre première entretien. Avant de prendre Adderall, elle ne supportait pas d’etre assise en réunion et perdrait sa concentration en quelques minutes. Comme beaucoup de gens atteints de TDAH, elle était en quête d’expériences intéressantes et variées pour soulager l’ennui, et recourait egalement à l’alcool. Mais quand elle croisait quelque chose de nouveau et de stimulant, elle était capable de se concentrer de maniere extraordinaire. Je savais qu’elle aimait peindre et je lui a demandé combien de temps elle pouvait maintenir son attention en maniant sa palette et ses pinceaux. Elle me répondit qu’elle pouvait peindre des heures d’affilées sans aucun problème.

Des “récompenses” comme le sexe, l’argent, la drogue et les situations nouvelles provoquent toutes la libération de dopamine dans les circuits de récompense du cerveau, une région profondément enfouie sous le cortex. En dehors du sentiment de plaisir, ce signal de la dopamine dit a votre cerveau quelque chose comme, « Faites attention, ceci une expérience importante qui est à retenir. »

Plus l’expérience est nouvelle et imprévisible, plus l’activité dans votre centre de récompense augmente. Mais ce qui est stimulant pour une personne peut être ennuyeux, insupportable ou au contraire passionnant pour une autre. Il existe une grande variabilité dans la sensibilité de ce circuit de la récompense.
Les cliniciens l’ont constaté depuis longtemps, et l’expérience quotidienne le démontre. Pensez aux accrocs à l’adrénaline qui sautent à l’élastique sans une goutte de sueur et comparez-les avec les spectateurs anxieux pour qui cette expérience ne suscite que terreur et effroi !
Le Dr Nora D. Volkow, une scientifique qui dirige l’Institut national sur la toxicomanie, a étudié la voie de la récompense de la dopamine chez les personnes atteintes de TDAH. A l’aide d’un PET scan, elle et ses collègues ont comparé le nombre de récepteurs de dopamine de cette région du cerveau chez un groupe d’adultes atteints de TDAH (non traités) avec celui d’un groupe de témoins sains. Ce qu’elle a trouvé était frappant. Les adultes TDAH avaient beaucoup moins de récepteurs D2 et D3 (deux sous-types de récepteurs de la dopamine) dans leurs circuits de récompense que les non TDAH. En outre, plus le niveau de récepteurs de la dopamine est bas, plus les symptômes de l’inattention des sujets sont importants. Les études chez les enfants ont montré des changements similaires dans la fonction de la dopamine.

Ces résultats suggèrent que les TDAH ont des circuits de récompense qui sont moins sensibles à l’inclusion que ceux du reste d’entre nous. Avoir un circuit de la récompense sous-réactif rend ternes les activités normalement intéressantes et explique, en partie, pourquoi les TDAH trouvent les tâches répétitives et routinières ingrates et même douloureusement ennuyeuses.
Les psychostimulants comme Adderall et la Ritaline aident les TDAH en bloquant la réapsorption de la dopamine autour de leurs neurones, augmentant ainsi son niveau dans le cerveau.
Un autre de mes patients, un homme de 28 ans, souffrait beaucoup à son travail dans une agence de publicité. S’asseoir à un bureau pendant de longues heures et concentrer son attention sur un dossier était presque impossible. Il etait multitâche, écoutant de la musique et envoyant des textos, en « travaillant » pour échapper à la routine.
Finalement, il a quitté son emploi pour une start-up, ce qui le place dans un environnement en constante évolution. Il est beaucoup plus heureux et – petite surprise – a perdu ses symptômes de TDAH. Mon patient a simplement “traité » son TDAH en échangeant son environnement de travail très routinier contre un autre plus varié et moins prévisible. Tout d’un coup, ses plus gros défauts (impatience, courte durée d’attention et agitation) sont devenus des atouts, et je pense que cette constatation est fondamentale pour comprendre ce qui se passe dans le TDAH.

Les humains ont évolué sur des millions d’années en tant que chasseurs-cueilleurs nomades. C’est lorsque nous avons inventé l’agriculture, il y a environ 10.000 ans, que nous nous sommes installés et avons commencé à vivre de facon plus sédentaires et ennuyeuse. Auparavant, en tant que chasseur, nous devions nous adapter à un environnement en constante évolution où les dangers sont aussi imprévisibles que l’heure de notre prochain repas. Dans un tel contexte, une capacité d’attention brève, changeante et intense, et une attirance pour la découverte constituaient un avantage sélectif. Ce profil facilitait la localisation et la sécurisation des “récompenses”, comme une compagne ou un beau morceau de viande de mastodonte. En bref, ce que nous appelons maintenant TDAH aurait fait de vous un champion au paléolithique.

En fait, Nous disposons de preuves modernes pour étayer cette hypothèse. Il existe au Kenya une tribu appelé Ariaal, des éleveurs d’animaux, traditionnellement nomades. Plus récemment, un sous-groupe a fait secession et s’est sédentarisé pour pratiquer l’agriculture.

Voir aussi : http://www.leretourdeszappeurs.com/mediagraphie/solution-naturelle-t-d-h/


Traduction : Nicholas Anderson et Dominique Dupagne.
Photo : Anika Mottershaw (cc)