Colère et boulimie compensatoire
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C’est dire que l’alimentation appartient à un registre à la fois banal et essentiel, sans compter le poids social de la nourriture. En effet, il n’est pas un magazine qui ne parle régulièrement de l’alimentation, des régimes les plus favorables au maintien de la ligne et de la forme. Donc prendre la nourriture comme sujet de vengeance a toutes les apparences de la facilité. Notons quand même une petite précision biologique : la colère dans sa chronicité engendre une production plus importante d’adrénaline — hormone directement active dans les cellules graisseuses — ce qui ne va pas être sans conséquence sur la prise de poids. Un autre paramètre, psychologique cette fois, montre que lorsque le niveau d’anxiété atteint un certain seuil, une sensation de vide viscéralement éprouvée apparaît.
Colère, boulimie, anorexie…
En conséquence la colère non exprimée fait percevoir un vide que l’on cherche à combler pour se soulager. Et la conjugaison de ces deux facteurs va favoriser la prise de poids ; mais nous ne nous trouvons pas pour autant aux extrêmes constitués par le couple anorexie/boulimie. Ces deux formes de « troubles du comportement alimentaire » (TCA) sont bien quant à elles l’expression de la colère, celle-ci s’accompagnant d’une tentative de libération des tensions qu’elle génère. Ici, la nourriture est détournée de sa fonction première. Car fondamentalement, elle a pour vocation de répondre à une pulsion de vie. Et la compulsivité va la transformer en pulsion de mort.
Pour la boulimie, nous sommes au royaume du sucré et du gras avec pour devise : « Quand on aime on ne compte pas ». Et parfois seul l’écœurement marquera le seuil de la tolérance. Car ici, le remplissage devient consigne. En effet, le gavage peut être une façon de ressentir son corps, une façon de se sentir exister, de s’apaiser, bref, de sortir de l’impuissance et de l’anxiété dévastatrice. Cette crise irrépressible va alors devenir son seul mode d’expression, et dans ces moments-là, le sujet restera insensible à toute forme de rationalisation, même si l’absurdité d’un tel comportement est reconnue a posteriori. »
(1) Van Loey Corinne, Du Microtraumatisme à la guérison. Traiter l’émotion traumatique par l’hypnose et l’EMDR, Dangles, 2009.