Dépression : médicament ou thérapie ?
Vous vous sentez déprimé, et votre médecin ou un psychologue vous l’a confirmé: vous êtes dépressif. Et maintenant que faire ?
Jusqu’il y a peu, nous disposions de peu de données pour favoriser un traitement au détriment d’un autre, qu’il s’agisse d’une thérapie ou de prescription médicamenteuse, ou même entre deux thérapies ou deux traitements.
Bien que nous n’ayons pas encore découvert de « Saint Graal », nous avons récemment beaucoup appris sur les facteurs individuels pouvant prédire une meilleure réponse à un type de traitement par rapport à un autre.
L’expérience du Dr. Helen Mayberg
Le Dr. Helen Mayberg, professeur de psychiatrie à l’Université d’Emory, a récemment publié une étude dans JAMA psychiatrie qui identifie un biomarqueur potentiel dans le cerveau qui pourrait prédire si un patient déprimé répondrait mieux à la psychothérapie ou aux antidépresseurs.
En utilisant la TEP (Tomographie par Émission de Positrons), elle a observé un groupe de patients atteints de dépression pendant 12 semaines.Le premier groupe était traité avec un antidépresseur (S.S.R.I antidepressant Lexapro) et le second selon une thérapie cognitivo-comportementale (qui enseigne à corriger les pensées négatives et les pensées déformées).
Dans les deux groupes, 40 % des sujets déprimés ont réagit à un des traitements. Mais le Dr Mayberg a trouvé des différences cérébrales frappantes entre les patients qui ont bien réagi avec l’antidépresseur par rapport aux patients ayant bien réagit avec la thérapie cognitivo-comportementale, et vice versa. Les patients qui avaient une faible activité dans une région du cerveau appelée cortex insulaire (https://fr.wikipedia.org/wiki/Cortex_insulaire) répondent assez bien à la thérapie cognitivo-comportementale mais mal aux antidépresseurs; à l’inverse, ceux qui ont une forte activité dans cette région ont une excellente réponse aux antidépresseurs, mais très peu à la thérapie.
Interprétation de l’expérience
Qu’est-ce qui pourrait expliquer ces différentes réponses?
Nous savons que le cortex insulaire a un rôle central dans la conscience de soi, les capacités émotionnelles, le contrôle cognitif ou encore la prise de décision. Lors de la dépression, ce cortex est affaibli. Il est possible que la thérapie cognitivo-comportementale ait des effets plus forts chez les patients dont le cortex insulaire connait une activité dite « paresseuse », parce qu’elle enseigne aux patients à contrôler leurs pensées émotionnellement troublantes d’une manière qu’un antidépresseur ne peut pas.
Ce constat correspond à ce que nous avons appris à partir d’études précédentes sur l’imagerie cérébrale, qui montrent que les antidépresseurs et la psychothérapie partent de certains effets communs, mais ont des effets différents dans des régions distinctes du cerveau.
Ces différences d’ordres neurobiologiques peuvent aussi avoir des implications importantes pour le traitement, car pour la plupart des formes de dépression, il y a peu de données pour soutenir une forme de traitement par rapport à une autre.
(On notera l’exception de la dépression psychotique, une forme grave marquée par des idées délirantes, qui s’ajoutent aux symptômes dépressifs, qui est mieux traitée avec soit une combinaison de médicaments antidépresseurs et antipsychotiques, ou la thérapie par électrochocs, et la dépression atypique, caractérisé par l’hypersomnie, augmentation de l’appétit.)
Actuellement, les médecins prescrivent généralement des antidépresseurs sur une base itérative d’essais et d’erreurs, en fonction de la réponse aux traitements du patient. Bientôt, nous pourrions être en mesure de comprendre rapidement le contexte cérébral du patient avec une IRM ou TEP, afin de vérifier l’activité du cerveau et sélectionnez un antidépresseur ou la psychothérapie en conséquence.
Il se trouve que d’autres facteurs cliniques peuvent également influencer le résultat du traitement. Par exemple, il existe des données intrigantes à propos des patients déprimés qui ont subit des traumatismes durant l’enfance, telles que la perte précoce d’un parent ou d’abus sexuel : ils répondent mieux à la psychothérapie qu’aux antidépresseurs.
Dans une étude, le Dr Charles Nemeroff, alors professeur de psychiatrie à l’Emory, a constaté que pour les adultes déprimés sans une histoire d’abus, il y avait un ordre de classement, pour l’efficacité du traitement : la psychothérapie (en utilisant une forme de thérapie cognitive du comportement) combinée à un antidépresseur (dans le cas présent il s’agit du Serzone), était supérieur au traitement unique. Mais pour ceux qui avaient des antécédents de traumatismes de l’enfance, les résultats ont été étonnamment différents : 48 % de ces patients ont obtenu une rémission avec la psychothérapie seule, mais seulement 33 % de ces patients ont répondu à un antidépresseur seul. La combinaison de la psychothérapie et d’un médicament n’a pas été significativement meilleure que la psychothérapie seule.
Une autre explication possible serait que les antécédents de traumatisme dans l’enfance sont fortement corrélés avec le rétrécissement de l’hippocampe, une région du cerveau essentielle à la mémoire et l’apprentissage. Ainsi l’apprentissage actif de la psychothérapie vous aide à battre votre dépression. Alors que les antidépresseurs seuls ne suffiront pas.Compte tenu du taux élevé de traumatisme précoce chez les patients chroniquement déprimés dans l’étude du Dr Nemeroff cette hypothèse reste probable.
Les études récentes représentent un pas dans la compréhension et le choix pour un patient donnée entre la thérapie et les médicaments, mais nous devons encore apprendre énormément sur les différentes réactions entre les types de thérapies et les types de prescriptions. Ce sont des questions importantes dont nous devons à nos patients d’essayer d’y répondre.
Synthèse de l’article de Richar A.Friedman : http://well.blogs.nytimes.com/2015/01/08/to-treat-depression-drugs-or-therapy/?_r=0
A lire également :
– Une fille autiste et son chat thérapeutique