La prévention, meilleure arme contre le cancer
La présence à Toulouse de spécialistes internationaux est l’occasion de faire le point sur les dernières innovations mondiales en matière d’oncologie. De la médecine prédictive à la thérapie ciblée, en passant par l’immunothérapie et la médecine personnalisée, c’est tout le monde de l’oncologie qui bouillonne depuis quelques années, vivant, dans certains domaines, une véritable révolution.
La prévention, meilleure arme contre le cancer
Tout le mois de mars en Haute-Garonne aura lieu «mars bleu», un mois de prévention et de dépistage du cancer du côlon. Petit frère d’octobre rose pour le cancer du sein, «mars bleu» se veut aussi efficace. En effet, le cancer colorectal est le 2e cancer le plus mortel après celui du poumon. En Haute-Garonne, seulement 20 % de la population concernée participe au dépistage pourtant, un cancer colorectal diagnostiqué tôt se guérit 9 fois sur 10. Il concerne aussi bien et dans les mêmes proportions les hommes que les femmes, insiste le médecin et responsable du projet Artus Albessard. «En plus depuis cette année c’est très simple, il s’agit d’un seul prélèvement des selles à faire chez soi».
Interrogé sur les risques de surdiagnostic dans les cas de dépistages de masse, le docteur botte en touche : «On sait que dans 10 % des cas, le cancer détecté évoluera très lentement et que le traitement aurait pu être évité». L’ablation préventive d’un sein lors de prédispositions génétiques fortes à un cancer est également en discussion. En attendant que la science avance, la médecine s’adapte : mieux vaut prévenir que guérir.
L’efficacité de la thérapie ciblée
En oncologie, les thérapies ciblées sont des médicaments qui ciblent spécifiquement une protéine ou un mécanisme impliqué dans le développement de la tumeur. Ces médicaments sont donc théoriquement sans effet sur les cellules saines. De ce fait, ils engendrent moins d’effets indésirables que les chimiothérapies classiques.
Pour l’hématologue toulousain Loïc Ysebaert, avec ces thérapies ciblées, « l’efficacité est au rendez-vous. C’est mieux que tout ce qu’on faisait en chimiothérapie jusque-là en termes de survie.»
En temps normal, pour une nouvelle molécule, entre l’idée, les tests et la vente du médicament, il faut compter 10 à 15 ans. «Là, on est avec des molécules qui ont trois, quatre ans» reprend le docteur Ysebaert. «Ce sont des programmes incroyablement accéléré, et énormément de ces thérapies ciblées sont déjà disponibles.» Cette rapidité s’explique car, lorsque les premiers essais chez l’homme ont commencé, les réponses ont été au-delà des espérances. «D’ordinaire, dans les tests de phase 1, quand un médicament donne 5 % de réponse, ont signe ; quand il donne 20 %, c’est fantastique ; là on a eu des taux de réponses qui dépassaient les 70 %, voire 90 % pour deux thérapies ciblées pour des lymphomes».
Sur Midi-Pyrénées, les oncologues, via l’efficace réseau Oncomip, sont en train d’établir des règles de prescriptions pour ces thérapies qui coûtent très cher. Une façon de permettre aussi, pour les malades de la région dont l’hôpital n’a pas les moyens de payer ces traitements, d’en bénéficier sur Toulouse. « Quand vous êtes sur des traitements qui coûtent 150 000 € l’année, on est sur des coûts que la société n’a pas prévu. Il va falloir repenser beaucoup de choses.» Même si la guerre des prix qui devrait s’installer entre les laboratoires devrait faire baisser les prix dans les années à venir.
Les débuts de la médecine personnalisée
La médecine personnalisée peut prendre plusieurs formes. Par exemple, «si vous avez de l’hypertension artérielle, ou un cancer du poumon, on va vous donner un médicament standard. La médecine personnalisée, ça peut être de regarder si vous avez une façon de métaboliser les médicaments qui fera que vous aurez plus d’effets secondaires ou moins d’efficacité» explique le docteur Ysebaert. «On peut aussi aller chercher la mutation d’un gène X car j’ai le médicament qui bloque ça». Mais pour l’instant, la grande majorité des traitements du cancer ne fonctionne pas comme ça, hormis quelques cas, notamment en hématologie.
«La médecine personnalisée existe, mais à un niveau un peu grossier. Par contre, ce qui va révolutionner les dix prochaines années, c’est cette médecine telle que l’entend Google. Là, on va aller regarder ce que vous avez dans les gênes, vos cellules normales et vos cellules pathogènes. Avec la question éthique suivante : je veux traiter quelqu’un pour un cancer du poumon, je trouve une mutation qui expose à la maladie d’Alzheimer, qu’est-ce que je fais. Je le dis au malade, ou pas ? Il y a une vraie réflexion autour de ça.»
La révolutionnaire immunothérapie
La première grande découverte récente est que le cancer est un dérèglement comme un autre de nos cellules, contre lequel le corps est capable de lutter, selon le biologiste Éric Vivier, directeur du centre d’immunologie de Marseille. Notre système immunitaire est un système de protection qui lutte en permanence contre les attaques, que ce soit un virus ou un cancer. La deuxième grande révolution a été de comprendre que l’on peut « reprogrammer le système à lutter contre le cancer » avec des médicaments. Explications.
Il y a deux types de récepteurs dans notre sang, les récepteurs activateurs ou «accélérateurs», qui vont permettre aux cellules de détruire les cellules tumorales (cancéreuses) et les récepteurs inhibiteurs ou «freins» qui empêchent les cellules de détruire le cancer. La pharmacopée immunologique permet de générer des anticorps qui vont bloquer ces «freins» et permettre au corps de combattre par lui-même la maladie. Ou plutôt, selon les termes du chercheur, de «réveiller un système endormi». Les essais cliniques présentent des résultats extrêmement encourageants et sans précédent.
Bien que la toxicité soit très élevé et que les applications soient imparfaites pour le moment, le chercheur prévient : «On vient d’inventer la roue, c’est exceptionnel, mais la Jaguar ne se construira pas en un jour. Il va falloir patienter même si la révolution, elle, est déjà là».
Une maladie chronique ou guérissable ?
« L’objectif est toujours de guérir la maladie, pas de la rendre chronique » insiste Loïc Ysebaert. «Même si, quand on ne peut pas guérir un cancer, le fait de le transformer en maladie chronique, ça peut permettre de vivre. Cette solution, chez des patients âgés, peut suffire. Ce ne sera pas le cas pour un jeune de 25 ans». Sans compter que le coût pour la société ne sera pas le même, entre un patient guéri et un patient avec un traitement très onéreux à vie.